L’agritourisme est apparu tôt en Italie. Dès les années 60, les agriculteurs toscans ont proposé de mettre en place une activité complémentaire à la production pour consolider la santé économique des fermes. Ils se sont fondés sur la forte attractivité touristique de leur région et ont montré que c’était un moyen privilégié de protéger le patrimoine bâti et les paysages. Les régions italiennes bénéficiant d’une forte décentralisation, la Toscane a mis en place une politique de développement de l’agritourisme très exigeante en termes de lien à la production. L’Émilie-Romagne où nous nous trouvions, a suivi.
Ici, l’agritourisme peut constituer la moitié des revenus de la ferme MAIS l’activité touristique est liée à celle de la production :
– le travail agricole est évalué en temps, par exemple 1 ha de vigne vaut 20 jours de travail, 1 ha de céréales 3 jours ; et ceci ouvre le droit à l’activité agritouristique : 1 nuit d’accueil est possible si on atteste de 20 jours de travail agricole.
– de même, la Toscane insiste sur l’origine des produits servis à table : 90% doit provenir de la ferme ou des fermes voisines. l’Émilie-Romagne est en train de rejoindre progressivement cette norme. Pour l’heure, elle est en train d’interdire les achats au supermarché ou auprès de fournisseurs de la restauration.
L’agritourisme italien autorise la restauration (activité la plus fréquente), l’hôtellerie et les activités pédagogiques, culturelles et sportives. En raison même de la décentralisation, les règles peuvent être différentes dans une autre région.
Nous avons visité deux fermes pédagogiques, à proximité de Forli et Faenza. Dans les deux cas, il s’agit d’accueillir des enfants en âge de fréquenter l’école maternelle ou élémentaire. Nos avons aussi été accueillis par un exploitant viticole qui lui, ne désire pas se lancer dans ce type de projet.
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– À l’ « Azienda Agricola la Vignaccia », Francesca propose ce que nous appellerions un centre aéré, en lien avec la municipalité de Forli qui peut aider les familles à financer les séjours. Elle accueille 45 à 50 enfants de 3 à 12 ans pour des séjours d’une semaine orientés sur la vie en communauté, l’apprentissage de la différence, l’entraide, le respect de la nature. Le centre aéré emploie 4 à 5 animateurs en plus de Francesca. La situation à quelques kilomètres de la ville contribue fortement au succès de la ferme et ce, d’autant plus que les congés scolaires d’été sont longs.
La ferme est de très petite taille (5ha +3ha de vignes et 3ha de bois), donc les activités de production agricole en bio ne sont pas véritablement le support des activités proposées aux enfants, sauf le jardinage. C’est l’exploration encadrée du site en bord de rivière et des bois, la qualité de la nourriture produite dans le jardin et l’éducation à l’alimentation qui sont au centre.
La table d’hôtes accueille aussi les parents et Francesca propose de privatiser le centre aéré pour des événements familiaux comme une fête d’anniversaire.
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– La ferme « Fattoria Rivalta » établie depuis 1700 sur 12ha, a une production maraîchère et fruitière bio depuis la fin des années 80, la production laitière et fromagère n’est pas certifiée bio en raison de la petite taille du troupeau. Une grande partie de la famille travaille là, notre guide, 2 de ses frères, ses parents et sa fille aînée ; les épouses, une sœur et un frère travaillent à l’extérieur.
Les activités agritouristiques ont été mises en place en 1997, elles sont aujourd’hui concentrées sur les classes maternelles et élémentaires. On présente aux enfants les techniques de production et transformation, ainsi que l’origine de l’alimentation. Cette activité n’est pas majeure dans les résultats économiques de la ferme qui est plus connue pour son magasin de vente directe, mais c’est une façon de la faire connaître. Notre guide nous dit que la mode de la cuisine popularisée par la télévision, attire de plus en plus de clients pour les produits de qualité. Nous avons d’ailleurs croisé un grand nombre de clients arrivant au magasin en fin de journée de travail.
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CANTINA MORDINI
La Cantina Mordini est une exploitation familiale de 90 hectares perchée sur les collines qui surplombent Riolo Terme. Cantina est le faux amis signifiant cave en italien. Stephano et ses parents nous reçoivent chaleureusement dans la leur. Ils sont arrivés en 1965 sur ces terres, ces gens pauvres fuyaient la misère du sud du pays… Ils sont donc d’abord en fermage, ils plantent des pêchers, des pruniers et un peu de vigne et petit à petit, ils obtiennent les moyens de racheter la ferme.
Aujourd’hui ils possèdent 30 ha de vigne, 20 de pêche et abricot, 20 autres de prunes, des plantes médicinales et aromatiques, des céréales et des olives. Le réchauffement climatique aurait fait exploser le nombre d’oliveraie dans la région, nous dit-il.
Au départ la production de vin était pour la consommation de la famille mais peu à peu leurs amis leur en ont demandé, le trouvant fort bon, et ainsi de suite… la valeur ajoutée de cette production était intéressante. Les habitants du coin avaient pris pour habitude de venir chercher leur vin au cubi, faisant parfois des réserves pour toute l’année. Cette pratique, selon eux, s’est un peu perdue : maintenant les consommateurs, en tous cas les plus jeunes, préfèrent acheter en bouteille.
La commercialisation actuelle de son vin est partagée entre une petite partie (la « moins bonne ») qui part via une coopérative aux marchés et même à l’étranger (Croatie) et une autre pour la clientèle locale des restaurateurs et des habitués, « une grande famille » nous dit-il. Les petits viticulteurs des collines sont fortement concurrencés par les exploitations des plaines pour lesquels les coûts de production sont bien plus faibles.
La production de fruit, traditionnelle de la région, pose aussi des contraintes importantes, notamment celle de la fraîcheur des produits (des quantités à écouler très vite), ou la contrainte administrative car pour chaque production, une paperasse différente, des contrôles… bref, le tout avec l’arrivée du tout numérique dans des territoires même pas reliés au réseau internet !!
C’est la femme de Stephano qui s’occupe de la comptabilité et l’administratif. ils sont donc quatre à travailler dans cette ferme, ainsi que deux ouvriers albanais, à l’année, et quelques saisonniers au besoin. Stephano a suivi une formation équivalente au bac STAV au lycée agricole de Faenza. Il a perçu une aide à l’installation de l’UE mais désormais la ferme ne reçoit aucune aide, ni de l’État ni de l’Europe.
Il ne s’imagine pas se convertir au bio car ce serait « trop contraignant et trop cher ». Quant a l’opportunité d’une perspective en agritourisme, il ne s’y projette pas non plus. Selon lui encore, la plupart des entreprises agri-touristiques sont des hôtels dissimulés dans un cadre agraire, seule une minorité respecterait les normes et les règles.
Stephano redoute le départ de son père, irremplaçable, tous ses savoirs-faire vont manquer à la ferme. Il insiste enfin sur l’importance de la survie de la société agricole et sur la multifonctionnalité de leurs activités, en terme d’entretien du territoire, de lien social, de lien à l’environnement… une culture qui doit survivre et se transmettre. Stephano nous confie qu’un sentiment d’abandon règne chez les plus vulnérables et les plus isolés.