Les réfugiés

Rencontre avec le responsable d’un camp de réfugiés syriens à proximité de Gastouni (Péloponnèse)

Suite au conflit syrien des milliers de réfugiés ont transité par la Turquie et se sont retrouvés sur les plages grecques (plus de 600 personnes par jour et jusqu’à 200 000 par mois). Un camp de réfugiés s’est alors mis en place à 4km de Gastouni dans le Péloponnèse en 2015.

Présentation du camp de réfugiés « LM Village » : près de Mersini

Situation : 

Créé en 2015 le site se situe sur la plage de l’ancien village vacances (LM Village) de Mersini. Ce site abandonné a été réquisitionné par le Ministère de la défense grec, présent à proximité avec une base militaire aérienne, afin d’accueillir l’arrivée massive de réfugiés syriens.

Ce lieu se compose de petites maisons en dur pouvant accueillir des familles, il n’y a pas de tentes. Il y a des aires de jeux, une plage et deux petites piscines (aujourd’hui fermées par un grillage suite à la noyade d’un jeune réfugié).

Responsabilité :

Le site abandonné a été remis en fonctionnement suite à l’action de Ministère de la défense. Un chef volontaire a été désigné : Giorgos Aggelopoulos, il travaille en collaboration avec la communauté de communes dont le Maire (nom donné au Président de la communauté de communes) Nabil Morati, médecin, 1er Maire élu non grec dans le pays, est d’origine syrienne.

Aujourd’hui le Ministère de la culture s’investit également afin de proposer aux enfants d’aller dans les écoles voisines pour avoir accès à un enseignement, conformément aux règles édictées par la charte de l’ONU. 2 bus sont mis à disposition pour les déplacements. Les hommes et les femmes peuvent également en profiter pour accéder à des cours d’anglais ou de grec.

Un groupe sur  Facebook relate la vie dans le camp avec de nombreuses précautions pour le droit à l’image (peur des représailles dans leur pays, crainte d’une mauvaise interprétation des images car hébergés dans un camp de vacances à proximité de la plage, avec aires de jeux…).

Cliquez pour accéder sur le « groupe » évoqué plus haut

Les réfugiés :

350 à la création du site, ils sont actuellement 122, 19 nouvelles personnes devant arriver bientôt.Le problème principal étant pour certains l’éloignement avec des membres de leurs familles et l’absence de papiers les bloquant dans le pays. Toutefois, ils peuvent sortir du camp et circuler dans le pays ou dans les villes proches et revenir ensuite au camp. Le site n’est pas très propre. Etant en transition ou souhaitant partir, ils portent peu d’attention aux parties communes (ils ne savent pas combien de temps ils vont rester).

Des ONG : 

Plusieurs ONG sont présentes ou se relaient dans le camp de réfugiés, parfois avec des objectifs contradictoires et il manque une coordination. Elles viennent de nombreux pays, principalement d’Espagne, France, Portugal, États-Unis, Australie.

De nombreux projets sont mis en place pour venir en aide aux habitants du site : cours de langue l’après-midi, lien avec l’université de Patras (3e ville du pays) pour la scolarité des enfants, blanchisserie, boutique…

Parmi celles-ci les compagnons bâtisseurs, Inser’net, CEMEA Aquitaine ont entrepris des actions récemment.

Entretien avec Giorgos Aggelopoulos responsable du camp de réfugiés :

Giorgos est le coordonnateur de ce camp depuis plus de 18 mois. Ce n’est pas son travail mais il s’est engagé par conviction et a été désigné par la communauté de communes et l’État. Pour lui, il faut faire ce travail avec amour et « essayer de gérer l’amour de toutes ces personnes ».

Ce camp de vacances était fermé depuis 7 ans, le Ministère de la défense a donc eu une bonne idée de l’utiliser pour l’accueil des réfugiés. Au 1er jour de l’ouverture il y avait 338 réfugiés, puis 350 dont 222 enfants, logés officiellement dans ce camp. Aujourd’hui, ils sont 112, mais il y a encore beaucoup d’entrées par la Turquie. La limite d’accueil du camp serait de 220 personnes.

Environ 700 personnes ont déjà transité, la plupart souhaitaient rejoindre l’Union Européenne, dont la France et l’Allemagne, beaucoup de personnes d’une même famille souhaitent se retrouver.

150 volontaires sont passés par ce camp pour apporter leur aide, beaucoup de Français. Ces aides ont eu beaucoup de succès, notamment auprès des enfants qui avaient peur de la présence d’une base militaire proche et le passage des avions leur rappelant les bombardements. Aujourd’hui ils n’ont plus peur, ne se cachent plus, ils jouent et vont à l’école.

Ces personnes n’ont pas choisi d’être ici. Ce ne sont pas des immigrants mais des réfugiés. Ils ont fui la guerre, un problème politique, un danger ; il faut donc les accueillir conformément à la convention de Genève. On ne peut pas leur refuser ce statut.

De quoi ont-ils besoin ? : D’amour seulement, affirme Giorgos ;  un espoir leur est donné avec les personnes impliquées dans le camp, des volontaires pour les accompagner, les informer. Il faut les protéger des regards extérieurs et des mauvaises interprétations car ils sont accueillis dans un camp de vacances dont l’image est trompeuse.

La répartition des migrants : elle est décidée par le Ministère qui les divise en régions. Ils sont tous Syriens il n’y a donc pas de conflits de nationalité. Mais avec l’afflux de migrants au début de la guerre, notamment au port du Pirée (Athènes), des enfants ont pu être perdus, séparés de leurs familles et plusieurs d’entre elles ont dû cohabiter dans les mêmes maisons. Désormais la situation s’est stabilisée.

Giorgos : il a travaillé à Athènes, sa famille est du village proche du camp. Il a souvent travaillé en volontariat dans l’humanitaire. Il est ami avec le Maire qui est syrien. La communauté de communes a donc créé une équipe pour aider les réfugiés avec Giorgos à leur tête. Il considère que ce camp est celui qui a la meilleure qualité d’accueil en Grèce. Avec lui plusieurs associations travaillent dans le camp, notamment en lien avec l’ONU, mais il est seul pour coordonner les actions. Plusieurs vidéos youtube présentent les actions menées.

Environ 30 personnes travaillent actuellement dans le camp, la difficulté est d’avoir un lien entre les différentes actions des ONG, de gérer les horaires de chacun. Un programme se met en place pour accueillir 2 psychologues pouvant venir auprès des réfugiés.

Pour l’alimentation ils ont des cartes pré payées par un programme européen « eco », avec des sommes de 150 à 550 euros par famille et par mois pour acheter des vêtements, de la nourriture. C’est un système de points, il n’y a pas d’argent monnaie donné. Une boutique d’alimentation et de vêtements est présente dans le camp. Ils sont libres d’acheter ailleurs que dans le camp, ils ont une carte pour circuler en Grèce, ils peuvent se rendre à Athènes. Un contrôle est effectué chaque mois.

Ils essaient de maintenir un suivi quand les réfugiés partent dans un autre pays avec l’autorisation de l’Union Européenne et un suivi de l’ONU. Beaucoup ont demandé à se rendre en Allemagne car de nombreuses personnes de leur famille s’y trouvent déjà.

Mais tous ont un seul souhait : retourner vivre dans leur pays en paix.

Pour Giorgos, la Grèce s’apparente à une « douane de personnes » : on leur donne une carte, des papiers pour ensuite aller ailleurs retrouver leurs proches déjà partis. Derrière ce problème se crée un marché de personnes et beaucoup en ont profité financièrement. Ces problèmes nourrissent la xénophobie à plus forte raison dans une période où des attentats ont créé la confusion. La vraie image de ces réfugiés se trouve dans ces camps d’accueil où les personnes subissent la politique de nos États.

Ces réfugiés viennent de toute la Syrie, les grandes villes mais aussi des campagnes. Les plus pauvres n’ont souvent pas eu les moyens de partir. Les bombardements ont créé cette fuite ; on remarque qu’il n’y a souvent pas eu de bombes là où il y avait du pétrole.

Ils sont actuellement dans le camp tous musulmans mais il y a eu 3 familles coptes : aucun conflit entre eux n’a été signalé.

Qui est responsable de la guerre et de la situation pour les réfugiés ? Certains mettent en cause le président syrien, d’autres les Russes, la majorité la politique des États-Unis et de nos états de l’Union Européenne. Le marché des armes et du gaz et pétrole, l’enrichissement des dominants au dépens des peuples et des enfants.

Entretien avec M. Pandelis Kiprianos, professeur d’université (questions sur les réfugiés)

L’entretien concernait la situation économique et l’éducation en Grèce. Un point a été consacré à la question de réfugiés. Les chiffres indiqués sont des estimations.

Plus de 25 millions de personnes sont officiellement réfugiées selon l’ONU et l’UNESCO, liés aux conflits et à la pauvreté. 45% sont des enfants, la moitié n’ont pas accès à l’école.

Le problème est devenu très important en Europe avec les conflits en Libye, en Irak puis en Syrie : 1 million de personnes se sont dirigées vers la Grèce depuis la Turquie, beaucoup dans les îles grecques. 80% sont allés en Allemagne (environ 800 000 dont une majorité de syriens depuis 2015). Le mouvement s’est poursuivi en 2016, il est devenu insoutenable, l’Allemagne refusant de nouvelles entrées. 400 000 sont restés en Grèce, des négociations ont eu lieu entre l’UE et la Turquie, à hauteur de 3 milliards d’euros pour surveiller les frontières, accroître les contrôles, des mesures pour renvoyer les réfugiés sans papiers… Mais quelques milliers seulement ont été renvoyés avec de vives critiques. Tous les pays n’ont pas accueilli des réfugiés à la même hauteur. La France a presque respecté ses engagements, les Pays-Bas et la Suède à peu près, le Portugal l’a fait, l’Allemagne dans un premier temps. En revanche les pays de l’Est n’ont rien fait, les réfugiés s’y trouvant ont cherché à en partir.

En Grèce ils sont officiellement 62 000 actuellement (plus de 100 000 surement dans les faits), beaucoup sont allés en Allemagne ou en Italie (où la sévérité est plus importante, certains sont alors allés vers l’Espagne). Pour rejoindre l’Ouest de l’Europe, des réfugiés contournent ces flux en passant plus au nord par la Roumanie où la surveillance est moindre.

Ces 62 000 réfugiés sont répartis en 3 lieux en Grèce : Athènes (15 000 à 20 000) dans des appartements et centres d’accueil ; ¼ vers Thessalonique (appartements et centres d’accueil également) ; 1/3 dans les îles grecques où les conditions sont les plus difficiles. 300 à 400 sont restés vers Gastouni, ils sont 112 actuellement (340 il y a un an et demi). Les appartements sont financés par l’Union Européenne.

L’organisation du suivi des réfugiés est surtout confiée à des ONG (multinationales, ou depuis le Danemark, la Hollande…) avec des associations comme Praxis pour l’aide aux mineurs non accompagnés. En Italie il y a des associations, mais c’est souvent trompeur avec des sociétés privées et des coopératives sociales souvent assimilées à une mafia, employant de la main d’œuvre agricole, ménagère à faible coût. En Sicile, ils sont entassés dans des centres de rétention.

La communication reste difficile avec les réfugiés pour des questions de langue, l’anglais est plus utilisé par ceux venus d’Afrique ou du Pakistan (qui se dirigent plus vers l’Italie que la Grèce).

Pour la scolarisation beaucoup d’actions sont mises en place : 7000 jeunes de 14 à 15 ans sont allés dans des écoles, il en reste plus de 2000 à gérer. L’an passé ils allaient étudier seuls, isolés, cette année ils sont dans des écoles grecques l’après-midi, avec un accès aux maternelles également. C’est une obligation dans les engagements de la Charte des Nations Unies.

Les Allemands ont accueilli plus de 1 million d’entre eux, avec les regroupements des familles, si ils poursuivaient cette politique ils seraient 3 à 4 millions actuellement, la volonté est donc de fermer cet accueil et de l’orienter vers d’autres pays. Beaucoup veulent soit rester en Grèce ou surtout rentrer chez eux. D’autres possibilités restreintes existent comme aller en France.

Les premiers réfugiés sont désormais partis, les autres ne savent pas où aller, d’où un accès aux écoles actuellement, peut-être resteront ils…

Pour aller plus loin : 

https://fr-fr.facebook.com/KNAPHermes/

https://fr-fr.facebook.com/copaeilis/

http://praxisgreece.com/

https://upatras.academia.edu/

http://hepnet.upatras.gr/

https://www.youtube.com/results?search_query=lm+village+greece

https://www.amnesty.org/fr/countries/europe-and-central-asia/greece/report-greece/

http://www.liberation.fr/planete/2017/02/20/en-grece-les-refugies-sont-chez-eux-le-discours-exemplaire-du-president_1549741

https://www.rfi.fr/europe/20170502-grece-athenes-tente-ameliorer-le-sort-migrants-refugies-mineurs

https://blogs.letemps.ch/jasmine-caye/2017/03/21/en-grece-70-des-fonds-daide-aux-refugies-ont-ete-gaspilles/

https://www.monde-diplomatique.fr/2017/05/A/57482

http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/03/20/en-grece-le-cri-de-colere-des-refugies-et-des-ong-contre-l-accord-ue-turquie_5097450_3214.html

https://info.arte.tv/fr/dans-un-camp-de-refugies-en-grece

http://www.irtsaquitaine.fr/

http://www.compagnonsbatisseurs.org/

Les commentaires sont fermés.