Le département où se situe Gastouni (Ilias, l’Elide) est constitué par une plaine alluviale face aux îles Ioniennes, il y a beaucoup d’eau, le territoire est sillonné de drains, canaux, un lac de barrage situé dans l’arrière-pays fournit à la fois l’électricité et l’eau d’irrigation. Ajoutez 300 jours d’ensoleillement par an, une main-d’œuvre bon marché (étrangère, pas toujours en situation régulière), un grand port (Patras) et c’est une situation commode pour développer une agriculture de production intensive de fruits et légumes, il y a d’ailleurs des tunnels un peu partout. Mais dessous la nappe phréatique est largement polluée par les nitrates, et chez Leila interdiction de boire l’eau du robinet ou de faire la cuisine avec !
Nous avons pu remarquer lors des visites et entretiens que nos interlocuteurs se démènent comme des beaux diables dans un contexte de crise économique profonde, même s’il sont nombreux à relativiser la crise actuelle par rapport à celle d’il y a 4-5 ans. La plupart nous ont montré que leurs entreprises sont liées à leurs familles (on maintient et développe le patrimoine issu de la famille, on emploie les membres de la famille), mais pas seulement, beaucoup font preuve d’une grande solidarité locale : achat-vente de préférence auprès des voisins, dons aux associations locales. Face aux difficultés qui peuvent émerger dans ces familles, l’un de nos interlocuteurs nous a dit que « la crise extérieure est toujours plus dure que la crise intérieure… ici, ce n’est pas comme en Europe du Nord, on doit agir en famille car il y peu d’opportunités ». Certains se réclament du modèle italien fondé sur des entreprises familiales innovantes.
La plupart des Grecs que nous avons rencontrés sont confrontés au sentiment que l’État est incapable de les protéger de la crise, pire encore ils pensent que la durée de la crise est due aux engagements de l’État envers l’UE et que deux générations de Grecs sont par avance condamnés à payer cette dette. Dans ces conditions, ils comptent sur les solidarités locales : leurs familles, leurs voisins, leur communauté villageoise… On peut analyser ces stratégies à la lumière du texte de Jollivet « Le développement local, mode ou mouvement social ? »In: Économie rurale. N°166, 1985. pp. 10-16 dans lequel il explique comment le recours au développement « local » traduit un réagencement des pouvoirs face à la situation de crise, il écrit : « dans le contexte idéologique actuel, toutes ces notions apparaissent porteuses d’une doctrine de développement qui pourrait être — qui se donne pour être — une alternative et un moyen de sortir de la crise ».
Cette stratégie que nous avons vue fonctionner dans l’ouest du Péloponnèse, et qui est probablement la même dans d’autres régions de Grèce, est aussi vivement critiquée par certains qui lui reprochent d’être la cause d’un affaiblissement de la confiance dans les institutions de l’État, dont l’école (cf. le chapitre consacré à ce thème). D’ailleurs tous les entrepreneurs que nous avons rencontrés se sont plaints de la pression fiscale, mais en expliquant que s’ils la contestent c’est parce que leurs impôts servent plus à renflouer la dette qu’à aider au développement grec.
Notons que la stratégie de développement local que nous avons vue à l’œuvre ne se traduit pas ici par un repli identitaire ou la xénophobie, les Grecs que nous avons rencontrés se montrent d’une extrême solidarité avec les réfugiés, Syriens pour la plupart.
Pépinière horticole M. Michalas
Entreprise familiale/Reçus par le chef d’entreprise
Terres d’origine familiale (1 ha), M Michalas s’est installé en 1982 après avoir obtenu une licence en horticulture puis un Master en floriculture aux Etats-Unis.
Surface actuelle : 20 ha dont au moins 1/3 sous tunnel ou serre
Employés : 15 dont quelques salariés albanais (en situation régulière), là depuis plus de 15 ans, donc tous très compétents aujourd’hui. Il insiste sur la nécessité pour lui d’un personnel qualifié.
Production /pratiques:
– fleurs et plantes d’ornement essentiellement, sélection et amélioration de plantes.
Ex : plante africaine Carissa macrocarpa ou prunier du Natal, qu’il a adaptée pour qu’elle s’acclimate aux pays moins ensoleillés, Il nous explique que cette plante peut plaire en raison de son feuillage vert foncé (façon camélia), sa fleur blanche (comme le jasmin) ou son le fruit rouge à la fois décoratif et comestible (riche en vit. C, Fer…)
– arbres fruitiers
– production de légumes, en hiver pour le marché grec.
Importance de l’artificialisation car les sols sont pauvres donc arrosage en goutte à goutte dont l’eau est enrichie en nutriments.
Commercialisation:
– jardineries grecques
– exportation en Allemagne et aux Pays-Bas, qui eux mêmes labellisent la qualité des produits, avant de les réexporter.
Remarque : son fils est en 2nde au lycée pro, pour reprendre l’entreprise familiale.
Ferme vaches laitières M. Marinos
Entreprise familiale, M Marinos est lui-même installé depuis 25 ans, il nous dit que son père possédait 0,5ha et une dizaine de brebis.
surface actuelle : 200 ha de cultures fourragères irriguées (présence dans l’arrière pays d’un lac artificiel qui fournit de l’électricité et qui permet l’irrigation de toute la plaine alentour).
Cultures de maïs, trèfle, orge, pois chiches et prairies cultivées pour l’autonomie en foin.
Troupeau de 500 vaches Holstein en stabulation libre. 2 ou 3 taureaux, il conserve les génisses (remplacement) et vend les veaux mâles au sevrage, hors de la région.
Employés : 7 dont 3 pour les cultures et 4 pour l’élevage.
Élevage extrêmement intensif : cultures irriguées et usage d’intrants, ajout de soja dans la ration alimentaire, taille du troupeau, le seul point de moindre intensification est l’absence de sélection génétique.
Coût du foncier: 25 000 € l’hectare de terre.
Coût de l’irrigation: 3200€ /ha/an (droit d’irrigation, pas de paiement de la consommation qui n’est d’ailleurs pas mesurée)
Frais de 250 € de semence /ha (fourniture : Monsanto).
Il produit, à lui tout seul, 40 % du lait de la région, soit 9 tonnes par jour,
Rendement par vache: 19 l/jour/tête.
Coût de production: 0,42 € /litre.
Prix de vente du lait: 0, 46 €/ l à FARMA ILIAS (prix de vente à FAGE 0,40 €/L), cf. infra
→ M. Marinos ne gagne donc que 4 centimes par litre produit.
Remarques :
L’entreprise de M. Marinos bénéficie du contexte :
– La Grèce ne produit pas assez de lait pour sa consommation, elle doit importer. (En 1985 production 5 fois plus importante qu’aujourd’hui).
– Plus de 5000 fermes laitières ont fait faillite depuis le début de la crise (reste actuellement environ 2000 éleveurs bovins laitiers en Grèce).
– Il est associé à 50% dans la laiterie FARMA ILIAS (cf. infra), qui lui achète toute sa production de lait et valorise bien la qualité de ses produits, cf. le différentiel de prix de 15% entre la laiterie locale et un géant de la laiterie grecque, FAGE.
→ Espoir que ses enfants reprennent un jour l’entreprise.
Il nous signale que ses frères sont aussi agriculteurs et réalisent des cultures maraîchères pas loin de son exploitation, sur 20 ha, écoulées sur le marché grec.
Menaces:
– Aucun encadrement agricole : pas de formation continue, pas de syndicalisme actif (il nous dit que les syndicats sont « atones »), pas de médecine du travail (M. Marinos nous apparaît très marqué physiquement)
– Aucune subvention PAC car ses étables sont à moins de 2 km d’habitations. Il nous dit que c’est lié à l’éco-conditionnalité des aides en Grèce.
Nous n’avons pas vu de station d’épuration des effluents d’élevage, ni de fosse à lisier.
Fraises Virginia
Exploitation de 2,6 ha sous tunnel.
Monoculture de fraises, de novembre à juin, Virginia nous dit vendre surtout sur le marché grec des grandes villes (Athènes, Thessalonique, Patras), mais qu’il y a aussi des exportations.
Accueillis par le responsable des cultures, un travailleurs albanais, arrivé à pied il y a 10 ans, boulanger de formation. Actuellement parfaitement intégré (ses enfants vont à l’école grecque) et en situation régulière.
chef d’exploitation (Virginia 26 ans, ingénieur agronome formée à l’université d’Athènes, cf. infra),
6 personnes, employées à l’année.
Fraises plantées en octobre (embauche de 30 personnes), fin novembre la récolte commence (embauche 15 personnes pour toute la période de récolte, les fraises sont cueillies trois fois par semaine et la récolte totale est d’environ 9 tonnes).
Variété produite: fraise Fortuna → résistante au gel, ronde, productive, sucrée, supporte le transport. Variété très précoce et donc commercialisable au moment où les prix sont très élevés, c’est aussi la première variété utilisée en Europe, et notamment en Andalousie (30% des productions).
Production en équivalent « agriculture raisonnée », les fraises sont contrôlées une fois par mois par un laboratoire de Patras (les résulatts sont affichés dans l’exploitation) et les produits reçoivent une certification « Globalgap » qui autorise la mise en vente à l’étranger.
Virginia souhaiterait produire en AB, pour apprendre de nouvelles techniques, mais elle pense qu’elle n’aurait pas de marché ou que cela serait trop cher.
Ses clients ont confiance dans les produits de la marque « Virginia » et ne demandent pas d’autre label.
–> À plusieurs reprises Leïla qualifiera devant nous les fraises « d’or rouge » en raison de leur prix de vente élevé sur le marché russe, ce qui explique la culture intensive, l’emploi de sans papiers…
Laiterie FARMA ILIAS de Kavassila
- Reçus par le chef d’entreprise, monsieur Kostas Tsakonos, ingénieur agronome, spécialisé en économie de l’agriculture.
- Sa laiterie est fondée en 2010, en association avec le producteur de lait M. Marinos (cf. fiche). M. Tsakonos était auparavant responsable de la production d’une usine locale de l’entreprise FAGE, lorsque celle-ci a fermé, il a fondé cette entreprise avec le lait de Marinos (meilleure qualité). Il explique avoir créé cette entreprise pour « survivre », pour « trouver un travail pour lui » et faire du « développement local ». Il nous dit avoir 14 employés, dont 7 chauffeurs » et avec moi cela fait 24 »!!! La laiterie transforme 10 tonnes de lait par jour (dont 9 viennent de l’exploitation Marinos) et vend ses produits dans deux départements, soit à pas plus de 100 km à la ronde environ.
- Prix d’achat du lait: 0,46 € / l.
- La productions sont assez variées:
- – Lait pasteurisé (entier, demi-écrémé) (la vente de lait cru étant interdite en Grèce) : 0,95 €/l sorti d’usine, vendu 1,18 € en magasin.
- – Crèmes vanille, chocolat
- – Riz au lait
- – Yaourt et fromage blanc: 0,65 € le pot de 200 gr. sorti d’usine, vendu 0,90 € en magasin.
- – lait chocolaté
- – kéfir (nature et aromatisé aux fruits)
- M. Tsakanos aime innover et développer de nouveaux produits.
- Il nous explique son marché : le lait est un produit de base dans l’alimentation grecque, par contre les autres produits (desserts) sont considérés comme plus «luxueux » et les Grecs peuvent s’en priver. Mais les Grecs n’ont pas l’habitude de faire leur propre yaourt, sauf à la campagne (et avec le lait de brebis). En revanche le kéfir à une clientèle fidèle car elle en comprend les bienfaits (seul produit dont on ne nous a pas donné le prix).
- La distribution se fait en supermarchés, épiceries et boulangeries de la région.
- Relation avec sa clientèle: « les gens achètent local par solidarité ». Il nous dit ne pas avoir de concurrent localement, mais il a la concurrence des très grosses entreprises (ex. FAGE) dans les supermarchés.
- Mais c’est aussi une entreprise solidaire car elle donne des produits aux associations et fait des distributions dans les écoles (notre traductrice nous signale à ce propos que des enfants sous-nutris en Grèce s’évanouissent en classe…).
Fromagerie Kalomoiris (Gastouni), producteur de Feta
L’entreprise a été fondée en 1928 par le grand-père de M Kalomoiris, il est entré dans l’entreprise à 15 ans et s’est formé « sur le tas », il dirige l’entreprise aujourd’hui avec son frère qui est lui chargé de la gestion et des ventes, et il espère que l’un de ses 6 enfants lui succèdera. M. Kalamoiris la qualifie « d’entreprise moyenne », elle emploie 20 personnes, vend dans la moitié Sud de la Grèce (elle possède quelques fromageries-épiceries dans la zone, qui vendent aussi des fromages importés, dont du Roquefort), elle exporte vers Chypre, l’Allemagne, la Pologne et les Etats-Unis.
M Kalomoiris nous reçoit dans l’usine qui est en période de nettoyage avant la reprise de transformation du lait de brebis, nous visitons les installations et on nous explique la recette de la feta (qui est ici produite au lait pasteurisé ). L’usine est dotée d’une station d’épuration avant de renvoyer les eaux traités vers le réseau des eaux usées de la ville. Elle accueille aussi les camions d’une fromagerie du Nord du pays pour assurer la réfrigération de leur lait en cours de tournée.
La zone de collecte est à l’échelle du département d’Ilias, auprès de 300 producteurs en contrat de livraison exclusif, le plus petit livre 15t/an, le plus grand 150t/an. En raison du large rayon de collecte on mélange les laits, ce qui oblige à les pasteuriser avant transformation.
Le lait de brebis est acheté entre 0,85 et 0,95€/l selon la qualité, le lait de chèvre est acheté 0,60€/l. La qualité du lait est très surveillée à l’entrée dans l’usine, pour des raisons sanitaires, des raisons techniques (variation des taux butyrique ou protéique) mais aussi en raison des tentatives de fraude (il cite le mélange eau-lait, ou le mélange brebis-chèvre). La loi grecque autorise l’utilisation de lait de chèvre – moins cher- jusqu’à 30% dans la feta, ici on n’en utilise qu’au maximum 10%. L’usine utilise trois recettes différentes au cours de l’année pour s’adapter aux variations du taux butyrique du lait.
L’entreprise produit principalement de la feta, du yaourt grec, du fromage blanc mais aussi un fromage de lactoserum (« amphotyro »), et une rareté : du beurre de brebis.
Le marché évolue peu, on ne boit pas de lait de brebis qui est toujours transformé, en revanche le lait de chèvre – qui ne contient pas de lactose- est de plus en plus recherché par les personnes intolérantes. M. Kalomoiris est heureux que l’appellation feta soit enfin protégée de la concurrence étrangère, mais regrette que cela ne concerne que l’UE, il déplore d’ailleurs les concours internationaux où les fetas grecques sont confrontées à des fromages étrangers dont la recette est différente. Il voit dans les marchés étrangers une solution face aux difficultés sur le marché grec, mais remarque une hausse de la production et une stagnation des exportations, et s’interroge sur les capacités d’achat du marché international. Il nous dit qu’il y a très peu de production de lait et donc de fromage en AB, concentrée surtout dans les montagnes du Nord du pays, il attribue cette situation au manque de demande pour les produits bio (crainte de la hausse des prix) mais aussi à la durée de la conversion des élevages.
Agritourisme Magna Grecia
Franca Magrini nous reçoit dans l’exploitation d’agritourisme familiale, qu’elle a fondée avec son mari Dimitris Karabelas et qu’elle gère aujourd’hui avec ses fils. L’exploitation est à 4 km du site d’Olympie et bénéficie de sa fréquentation.
Franca est italienne, originaire du Frioul, son mari grec possédait des oliviers et des vignes, très attachés à la qualité ils ont choisi de s’inspirer du modèle agritouristique italien : une ferme productrice associée à la proposition d’un accueil touristique dans des locaux rénovés avec soin. Il s’agit de conserver l’activité agricole en vendant en direct mais aussi en proposant d’autres activités comme la restauration. Ils avaient commencé par ouvrir deux magasins à Olympie (1985) puis Katakolon (1993) avant de choisir de suivre ce modèle italien en rénovant la ferme et ouvrant le restaurant en 2009. « Magna Grecia » évoque la Grande-Grèce, c’est-à-dire les colonies grecques du sud de l’Italie, mais c’est aussi un jeu de mots avec la langue frioulane où « magna » veut dire « manger ». On notera que l’entreprise reprend aussi le terme italien d’agriturismo (http://magnagrecia.gr/)
La ferme :
La ferme dispose de 2000 pieds d’oliviers, 250 sont sur le site de l’agritourisme, 4 autres parcelles sont localisées dans les collines proches, tout comme leurs vignes qui produisent 3000 bouteilles de blanc et 9000 bouteilles de rouge. Un potager est planté sous les arbres les plus proches des bâtiments de restauration, ceci laissera penser que les légumes servis à table sont produits sur place, jusqu’au moment où on compare le nombre de pieds de poivrons avec celui des convives… Vin, olives et huile sont exclusivement vendus en direct, à des amis en Italie et aux visiteurs de l’agritourisme.
L’agritourisme : « Le concept c’est une fête dans une famille grecque : on parle, on mange, on danse »
Le bâtiment principal est une ancienne bergerie rénovée, il se compose d’une cuisine et d’une salle de 100 couverts, autour une galerie fermée accueille 65 places, à l’arrière une vaste préau orné d’un pressoir à huile propose 200 places, en face une autre salle peut accueillir 200 convives de plus. Il y a 5 employés permanents, 4 sont là depuis le début de l’activité, chaque jour d’ouverture Franca fait appel à une personne qui a des compétences précises, par exemple, qui parle la langue des voyageurs attendus.
Franca nous dit accueillir en moyenne 200 personnes par jour, elle travaille avec les tours opérateurs classiques (autocaristes) mais aussi avec les compagnies de navigation (Costa, MSC etc.) qui accostent au port de Katakolon à une trentaine de km, mais il y a des pics de fréquentation où arrivent les passagers de 5 bateaux à la fois, l’accueil a fonctionné cette année pendant 40 jours (25 jours en 2016).
Les prix sont élevés : la visite-dégustation coûte 15€, les olives sont vendues 5,90€ le paquet de 250gr, le litre d’huile est vendu entre16 et 20€ selon les variétés d’olives (dans l’épicerie de Virginia l’huile grecque est vendue 7,5€/l), les visiteurs dépensent en moyenne 7€/personne à la boutique. Franca souhaite développer des chambres d’hôtes, mais il faudra choisir le site de construction avec soin en raison de la présence d’un site archéologique sur la ferme.
Viticulteur Mikrobio
Nikos (gestion et commercialisation, innovation) et Dimitris (cultures et vinification) sont frères et produisent en AB des raisins qu’ils transforment en vins blancs, rosés et rouges depuis deux ans, c’est une diversification de leur entreprise de production et commercialisation d’agrumes et kiwis bio, Mikrobio, le vignoble n’a pas encore de nom en propre.
Leur père a été l’un des premiers producteurs d’agrumes bio de Grèce. Ils ont commencé par gérer la commercialisation collective des producteurs bio locaux, puis ont pensé à utiliser le réseau ainsi bâti pour vendre du vin. Toutefois, cette entreprise est aussi construite sur les compétences de Dimitris diplômé en viticulture-œnologie de l’université d’Athènes.
Ils ont 20 ha de vignes, 60% proviennent de la famille et 40% ont été achetées récemment à un prix moyen de 5000€/ha planté. Ils produisent actuellement 600 hl et ont la capacité de vinifier 1000hl, mais ils ne veulent vinifier que leur production. Ils ont deux employés permanents, pendant les vendanges ils recrutent 20 saisonniers
Les parcelles sont plantées en cépages locaux (orovitis, kydonitsas -blanc ; avrisiatis et mavrotrahano – rouge) ou plus connus sous nos climats (chardonnay plantés dans les années 90, malbec et carignan de plantation récente pour améliorer la qualité des vins rouges, ils nous disent que la production de rouge n’est pas facile dans la zone). Ils suivent avec intérêt le programme gouvernemental de cartographie des terroirs et de rédaction de cahiers des charges de la production vinicole inspiré du système français des appellations, croisant localisations et encépagements. Mais ils déplorent l’absence de politique publique de développement ou de promotion de l’AB.
La cuverie neuve est en inox, et ils ont acheté quelques barriques usagées en Pauillac et en utilisent 2 pour les blancs et 12 pour les rouges.
Nos interlocuteurs vinifient des raisins issus de l’AB, selon des méthodes limitant les intrants en général et les sulfites en particulier (mais il n’y a pas de labellisation de la vinification en AB). Leur ambition est à terme de « vinifier à la française des variétés locales ». Leur projet innovant, porté par l’enthousiasme de Nikos, consistera à renforcer la fermentation en utilisant des ultrasons diffusés dans les cuves pour mobiliser les ferments (Chisti, Y. ,2003 ; Chisti et al. 2011), les tests dans une cuve vont commencer.
Pour la commercialisation de leurs vins, ils envisagent d’utiliser leur réseau de vente de fruits bio dans les pays du nord de l’UE mais aussi d’aller vers la Nouvelle-Zélande plus innovante. Aujourd’hui ils vendent environ 3,50€ la bouteille (leur coût de production est dévalué à 1,80€), c’est un marché à l’exportation essentiellement, localement ils vendent en bib car les familles et les restaurateurs servent le vin en pichet. L’entreprise n’est pas encore rentable, ils vivent du commerce des agrumes bio, mais ils envisagent déjà une diversification dans l’œnotourisme, avec une aide du programme Leader pour aménager leurs locaux.
PS : le chardonnay sur lies passé en barrique est affolant (à consommer avec modération).
Usines de concentré de tomates
Gastouni abrite deux usines de concentré de tomates dont l’une appartient à Unilever, nous n’avons pas été autorisés à visiter l’usine Unilever qui subissait un contrôle fiscal. Il s’agit d’entreprises anciennes qui fournissent des concentrés en boîte ou brique dans des marques traditionnellement utilisées en Grèce. Mais nous n’avons pas entendu de témoignages concernant la production de tomates destinées à la transformation, nous faisons l’hypothèse qu’il s’agirait alors d’usines utilisant la « tomate industrielle » importée par le port de Patras, on trouvera des éléments dans les articles du Monde diplomatique cités en référence.
https://www.monde-diplomatique.fr/2017/06/MALET/57599
https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/commerce-tomate
Magasin de fruits Magis
Virginia a 26 ans, elle a terminé ses études à la faculté d’agronomie d’Athènes depuis deux ans, elle gère les serres de productions de fraises, qui portent son nom, et ce magasin qui appartient à sa famille de Virginia .
Le père de famille a commencé par vendre les légumes qu’il produisait à Gastouni dans Patras et sa banlieue depuis son camion, puis il a entrepris de créer des magasins en ville (le premier en 1989, le deuxième en 2006), il en a aujourd’hui 6, un pour chacun de ses enfants. Les études des enfants ont été choisies pour le développement de l’entreprise : gestion, marketing, agroalimentaire, agronomie. Chaque magasin a 2 employés, en plus d’un membre de la famille. Ils sont locataires de leurs locaux.
Virginia nous dit que chaque magasin a une clientèle spécifique et adapte son offre et ses prix au profil du quartier, ils ne se concurrencent pas entre eux car ils sont suffisamment éloignés les uns des autres. L’entreprise fait de la publicité à la radio, propose des livraisons à domicile mais travaille aussi avec les restaurateurs.
Le magasin est situé en face du port de voyageurs de Patras – qui sont une clientèle appréciée- sur une voie très passante, il est aussi en lisière d’un quartier d’habitation. Largement ouvert sur la rue, Virginia nous dit qu’il est important que les clients voient à la fois l’abondance et la variété des produits, des panneaux publicitaires annoncent aussi les promotions. L’assortiment de fruits et légumes est impressionnant de variété, depuis les produits de base comme les pommes de terre, jusqu’aux fruits exotiques (y compris bio). Les seuls produits qui viennent de l’entreprise familiale sont les fraises, et des œufs produits près de la maison familiale à Gastouni (les poules sont nourries avec les invendus), le reste est acheté chaque fois que faire se peut aux producteurs locaux, Leïla nous dit que le père souhaite aider à conserver des producteurs mais privilégie toujours les « beaux produits ».
D’après Virginia, les supermarchés sont une forte concurrence parce qu’ils offrent tout sous le même toit, mais la qualité de leurs produits est inférieure à celle des magasins, ce qui fidélise la clientèle, toutefois on sent les effets de la crise et Virginia dit adapter son offre. Elle souhaiterait innover en proposant des produits transformés (par ex. des confitures) mais souhaiterait que la transformation soit faite par une coopérative sociale féminine, qu’elle n’a pas encore trouvée.
Virginia est (un peu) inquiète de l’avenir de l’entreprise le jour où son père passera la main, il est patent que ce père est une figure d’autorité peu commune (Virginia nous dit qu’il a commencé le projet de production de fraises alors qu’elle était encore étudiante pour qu’elle la reprenne dès sa sortie de l’université) : ils travaillent tous beaucoup et sont conscients qu’il leur faut rester solidaires pour se maintenir mais qu’ils ont aussi le droit d’avoir des projets qui leur soient propres, cet équilibre sera difficile à maintenir, elle espère que son frère aîné sera en mesure de le faire.
On a encore ici un témoignage des liens familiaux forts dans la stratégie de lutte contre la crise.